Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Latin 7239

Go to viewer chevron_right
Source
Gallica (Bibliothèque nationale de France)
Library
Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits
Shelfmark
  • Latin 7239
Biblissima authority file
Date
  • XVe siècle
Language
  • Latin
Title
    • Manuscrit composite: Mariano Taccola, De re militari et machinis bellicis. — Vue de Constantinople (?). — Carte des Balkans, vers 1453.
    • I. Ser Mariano di Giacomo Vanni, dit Taccola, De re militari et machinis bellicis
    • II. Vue de ville (Constantinople ?). Carte de la péninsule balkanique.
    • III. Feuillets blancs.
    • IV. Textes divers en latin et en italien.
    • see more
Agent
Description
  • Contents:

    Au f. 1v, table ajoutée par une main du XVIIe s. qu’on trouve dans de nombreux manuscrits reliés pour la Bibliothèque royale à la fin du XVIIe s. Au f. de garde 163, copie à la plume de la tour du f. 106.

    Physical Description:

    Parch.160 ff. à longues lignes foliotés de 1 à 162, précédés et suivis d’une contregarde et de deux gardes parch. anciennes dont la première à la fin est foliotée 163. Foliotation ancienne en partie rognée et retouchée, où manquent sans lacune de texte les ff. 115 et 124. Partie inférieure des feuillets tachée et dégradée.
    335 x 250 mm.
    Reliure maroquin rouge XVIIe-XVIIIe s. aux armes et chiffre royaux, réalisée pour la Bibliothèque royale ; titre doré au dos DE MACHIN BELLICIS. Tranches dorées et ciselées correspondant à une reliure antérieure. Sur une feuillet de papier collé au verso de la seconde garde volante, extrait de la lettre de M. Girardin à Louvois, datée du 10 mars 1687 (BnF, ms. français 7168, f. 84-87, voir ci-après).
    Estampille de la Bibliothèque royale (Ancien régime, à partir du XVIIe s.), modèle identique à Josserand-Bruno, p. 264-265, type A n° 1.

    Custodial History:


    Né à Sienne le 4 février 1382, Mariano di Jacomo Vanni, surnommé Taccola, y a occupé des fonctions officielles et y est mort entre 1453 et 1458. Le texte du De re militari et machinis bellicis consiste en des explications de machines de guerre, adressées à un chef d’armée, « dux bactaliarum », avec des recommandations pour lui faciliter les opérations militaires. Il existe plusieurs états de cette œuvre (d’après J. Beck, cf. Rose, art. cit., p. 338) : - les manuscrits les plus anciens sont deux carnets de notes contenant des extraits de textes et des dessins de machines de guerre (Staastbibliothek de Münich, ms. Clm 197 ; Biblioteca Nazionale Centrale de Florence, ms. Palatinus 766). L’exemplaire de Florence a été présenté dès 1433 à l’empereur Sigismond lors de son séjour à Vienne, mais la composition des deux premiers livres du De re militari et machinis bellicis semble postérieure à cette date. Certains dessins du manuscrit Clm 197 sont de la main de Francesco Giorgio Martini (1439-1502, actif à partir de 1460).
    Conservé lui aussi à Munich sous la cote Clm 28800, le manuscrit autographe définitif de Taccola, inspiré des deux carnets de notes, peut, bien qu’incomplet du début et de la fin, être daté de 1449 : le colophon du manuscrit conservé à New-York (Public Library, Spencer Collection, ms. 136), a en effet été copié sur cet exemplaire quand il était encore complet et indique la date de 1449 (cf. Rose, art. cit., p. 339-342). Le nom de Taccola y apparaît dans le prologue et dans le texte.
    L’auteur n’est pas attesté dans le ms. latin 7239. La dédicace du f. 2-2v est entièrement effacée. De même, au f. 5 une grande partie de l’incipit a disparu mais on peut y lire la mention « […] ego Paulus Santinus hoc opus […] ». C’est sans doute pour cette raison que la table ajoutée à la fin du XVIIe s. au f. 1v, qui date le texte de la première moitié du XIVe s., l’attribue à Paulus Sanctinus : « tractatus Pauli Sanctini Ducensis …scriptus sub eo tempore quo primum in usu fuit pulvis tormentarius, hoc est circa annum 1330, vel 1340… »; le Catalogus codicum manuscriptorum Bibliothecae regiae, op. cit., p. 330 indique « Pauli Savetini Ducensis tractatus… ». Inconnu par ailleurs (Venturi le dit originaire de Duccio (Ducensis) et en fait, sans preuve, un ingénieur militaire), ce personnage, qui est peut-être le copiste de cette copie très soignée, a remanié le prologue et mis sans scrupule sous son nom l’œuvre de Taccola. Il s’immisce ainsi au feuillet 44 : « … Paulus Sanctinus prefatus videbo… », à la place de « … Marianus Tacchole prefatus videbo… », formule visible au f. 40 du manuscrit autographe de Taccola (Munich, ms. Clm 28800), ainsi qu’au f. 107v : « … mihi videtur Paulo… ». Cette usurpation est vraisemblablement postérieure à la mort, entre 1453 et 1458, du véritable auteur du traité. Il s’agit donc bien d’une copie remaniée de Taccola, réalisée par Paulus Santinus, à Venise, comme le laisse penser la représentation aux ff. 166v-167 de deux des chevaux de Saint-Marc. F. Avril (cf. Dix siècles d’enluminure italienne) propose la date de 1459.
    Avant la dorure et la ciselure des tranches correspondant à une reliure disparue du XVe ou du XVIe siècle, on a ajouté au texte de Taccola les deux cartes représentant Constantinople et les Balkans, ainsi que les quatre cahiers contenant des traités en italien, dont la graphie indique une origine vénitienne.
    Paulus Santinus est-il l’auteur de la carte des Balkans ? Ajoutée, comme la carte de Constantinople, sur des feuillets indépendants, elle ne fait pas matériellement partie du traité de Taccola. La date de sa réalisation est difficile à déterminer, puisqu’elle peut être une copie d’une carte antérieure et contenir des éléments sans rapport avec l’époque de sa confection.
    L’analyse de son contenu est tout aussi complexe. L’opposition des villes chrétiennes et musulmanes, ainsi que les légendes, suggèrent que la carte représente l’espace de confrontation entre les armées chrétiennes et l’invasion ottomane. Le pavillon chrétien sur la capitale byzantine et la présence de celui-ci sur certaines villes d’Europe occidentale suggère dans un premier temps une date bien antérieure à 1453 pour cette carte ou son modèle. Il ne faut toutefois pas exclure des archaïsmes, comme sur les cartes marines où des villes et des îles de l’Orient conservent le pavillon chrétien bien après la conquête musulmane. Franz Babinger en 1951, avançait l’hypothèse que la carte avait été réalisée lors des opérations précédant la chute de Constantinople aux mains de Mehmet II. Il donnait pour preuves de cette datation, en plus du drapeau chrétien sur Constantinople, la représentation d’une forteresse construite en 1452, le château de Rumeli Hisar (la forteresse de Rumili-Hissar a été construite entre le printemps et l’été 1452 ; Constantinople fut conquise le 29 mai 1453). Florio Banfi, en 1954, dans la même revue, critiqua ses arguments : il affirma qu’une forteresse existait déjà au bord du Bosphore avant la construction de celle de Rumeli Hisar, en s’appuyant sur le témoignage des plans de Constantinople dans le Liber Insularum archipelagi de Buondelmonti. Sur ce point précis nous émettons de fortes réserves : il existait en effet à l’emplacement où fut construite Rumeli Hisar, non pas une forteresse, mais plutôt des monastères et des églises qui furent démolis pour le remploi de morceaux de maçonneries (cf. S. Runciman, La chute de Constantinople, Paris, 1968, p. 85). De plus, le plan de Constantinople du Liber Insularum consulté par Banfi (le ms latin 4825 de la BnF) est postérieur à 1453 (cf. notre notice).
    Les légendes de la carte font allusion au passage d’un « roi » chrétien dans la région. F. Banfi l’identifia avec Ladislas Jagellon, roi de Pologne, et donna une date très précise à la carte : octobre 1443, replaçant ainsi le document dans le contexte de préparation de l’expédition de Varna. Besevliev (1963) penchait quant à lui, pour une représentation de l’expédition de Nicopolis en 1396, où fut défaite l’armée chrétienne conduite par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie. Dans le fac-similé du ms. latin 7239, commenté en roumain, Dumitriu-Snagnov croit comprendre que l’ensemble du manuscrit a été composé par Paulus Sanctinus Ducensis, dans la région du Banat et même exactement à Timisoara, durant les préliminaires de la croisade de Nicopolis (défaite du 26 septembre 1396): « L’offensive chrétienne a été organisée par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie (1387-1437) (…) Le conseiller militaire Paulus Sanctinus Ducensis a connu et présenté dans son œuvre toutes les conditions de la région Carpatho-Danubienne où les armées ennemies pourraient évoluer. » Mais cela paraît tout à fait fantaisiste car le nom de Paulo Santini apparaît dans le traité, copié 60 ans après la défaite de Nicopolis, et non sur la carte qui est indépendante. Babinger (1964) critiqua sévèrement son analyse paléographique, mais admit que la carte pouvait être antérieure à 1453, et maintenait, à juste titre, qu’elle avait été insérée tardivement dans le manuscrit. Il existe cependant un lien entre l’œuvre de Taccola et le roi Sigismond, puisque la première version du traité militaire (ms. de Florence) avait été offerte au roi en 1433. Mais ce manuscrit ne contient pas de carte.
    De fait, les hypothèses, qui placent la réalisation de la carte avant 1453, sont toutes contradictoires avec la date du manuscrit lui-même, réalisé vraisemblablement cinq à six ans plus tard. La carte insérée à la suite du traité de Taccola est-elle antérieure au traité, ou bien n’est-elle qu’une copie plus tardive d’un modèle disparu ? Pour ce qui est du destinataire de ce manuscrit complexe, l’état des feuillets portant la dédicace et le prologue ne permettent pas de trancher entre les avis divergents émis sur ce sujet par différents auteurs : le condottiere Bartolomeo Colleone, qui s’est trouvé au service de la République de Venise de 1454 jusqu’à sa mort en 1475 ? Francesco Sforza, dont la médaille due à Pisanello sert de modèle au cavalier du f. 70 (cf. Scaglia, op. cit., p. 43) ? Avril pense, ce qui paraît juste, que les médailles de Philippe-Marie Visconti (14v) et de Francesco Sforza sont une discrète allusion au fait que le condottiere Bartolomeo Colleone a fait ses premières armes au service de ces princes avant de passer définitivement à Venise en 1454. Le roi de Hongrie Mathias Corvin, hypothèse qui ne repose sur aucune preuve sérieuse ? Ou enfin le duc de Rimini Sigismond Malatesta pour qui Robert Valturius rédige à Rimini en 1455 son traité De re militari (cf. Rose, art. cit., p. 344) ? Babinger (1951) avance que le manuscrit de Paris pourrait être l’exemplaire personnel du sultan Mehmet II (1451-1481), reçu d’un prince italien dont il aurait été l’allié. On sait en effet que Sigismond Malatesta envoya l’enlumineur Matteo de’ Pasti à la cour du conquérant turc pour offrir à ce dernier un ouvrage intitulé De re militari , accompagné d’une carte (Scaglia, op. cit., p. 47-48, renvoie à G. Soranzo, « Una missione di Sigismondo Pandolfo Malatesta a Maometto II nel 1461 », La Romagna, VI (1909), p. 43-54 et p. 93-96 ; Id., « Ancora sulla missione di Sigismondo Pandolfo Malatesta a Maometto II e Matteo de’ Pasti », La Romagna, VII (1910), p. 62-64 ; A. Campana, « Una ignota opera di Matteo de’ Pasti e la sua missione in Turchia », Ariminium, I (1928), p. 106-108). Mais l’ouvrage en question est celui de Robert Valturius, et non celui de Taccola, et la carte ne représentait pas les Balkans, mais vraisemblablement l’Adriatique (Soranzo, op. cit.). Les documents fournis par l’auteur sont clairs sur ce point. R. Valturius mentionne lui-même Matteo de’ Pasti dans la lettre de dédicace de son traité à Mehmet II, dans les mss. BnF latin 7236, f. 200-201, et latin 7237, f. 175v-176 : « Ad illustrissimum et excellentissimum dominum Machomet Bei magnum admiratum et Sultanum Turchorum Roberti Valturii Ariminensis pro Illustri et magnifico P. et domino Sigismundo Pandulfio Malatesta, cum librorum rei hius militaris ac Mathei Pasti Veronensis trasmissione epistola »). Les quelques mots en italien déchiffrés au f. 2v laissent supposer que le destinataire du ms. latin 7239 est plutôt un Italien. Et surtout, l’engagement très prononcé pour la défense de la Chrétienté, que révèlent les parties déchiffrables du prologue, rend très peu vraisemblable l’hypothèse d’un don au sultan turc.
    La manière dont ce recueil est arrivé en France est mieux connue. Il est acquis à la fin du XVIIe s. à Istanbul par l’ambassadeur français auprès de la Sublime Porte, le sieur Pierre de Girardin (mort en 1689). Celui-ci signale en effet dans une lettre du 10 mars 1687 adressée à Louvois, ministre de Louis XIV et père de l’abbé de Louvois (1675-1719), maître de la Librairie et garde de la bibliothèque depuis 1684 (BnF, ms. français 7168, f. 84-87, éd. en partie par Jacobs, op. cit., p. 121), un manuscrit latin « composé apparemment dans le dernier siècle et qui contient quantité de figures d’instruments et machines de guerre, et est apparemment tombé entre les mains des Turcs au commencement des conquêtes qu’ils ont faites en Hongrie ». Ce manuscrit a été ajouté par Girardin à un lot de 15 manuscrits grecs, sélectionnés par le père Jésuite Pierre Besnier (1648-1705) et le sire Guillaume Marcel (1647-1708), tous deux membres de l’ambassade de France à Istanbul sur un ensemble de plus de deux cent obtenus (dérobés ?) avec l’aide d’un « rénégat Italien, homme d’esprit qui est au service du seliktar », le premier officier du sérail et favori du sultan. Le « Memoire mentionné en la lettre cy dessus de Manuscrits grecs anciens tirez du seral » ajouté à sa lettre par Girardin cite en effet en dernière position: « Anonyma machinae et tormenta militaria cum figuris volumen latine scriptum, folio ». Ce lot de livres a été reçu à la Bibliothèque royale au mois de février 1688 (BnF, département des Manuscrits, ms. Archives Ancien Régime 18, p. 254-255). L'ancienne cote de la Bibliothèque royale Regius 5015/2 est visible par transparence sous la contregarde supérieure.
    Le manuscrit latin 7239 provenait aussi du sérail, comme l’indique le sceau du feuillet 1, mais rien ne prouve en revanche qu’il ait fait partie du butin du siège de Budapest en 1526, comme le laissait déjà supposer Girardin. La mention de Mustafâ sur le sceau noir visible au f. 1 a conduit E. Jacobs à lui donner pour possesseur le prince Mustafâ Ier (mort en 1639). Après un règne très bref de 21 mois, l’infortuné prince resta prisonnier pendant 47 ans dans le sérail, où, dit-on, il passait son temps à lire (Babinger, art. cit., p. 13, note 3 ; Jacobs, op. cit., p. 120-134 : « Girardin und die Handschriften des Prinzen und Sultans Mustafa ».). D’après Babinger, il s’agirait plutôt de Djerrâh Mustafâ Pashâ, officier cultivé du grand Sérail (mort en 1695 ou 1696), celui-là même à qui les manuscrits ont été dérobés pour l’ambassadeur Pierre de Girardin. Sceau de la bibliothèque du sérail à Istambul (1).


Rights
  • Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits
License
Digitisation
Manifest URL
Related
Biblissima portal
Library logo