Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Pelliot ouigour 4

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Source
Gallica (Bibliothèque nationale de France)
Library
Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits
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  • Pelliot ouigour 4
Biblissima authority file
Language
  • Uighur
Agent
Description
  • Contents:

    Le Pelliot Ouïgour 4 est écrit sur une feuille mesurant 30 sur 21, 7 cm, aux bords droits, mais à laquelle il manque un coin portant une partie de l'adresse. Papier bis sali, à grosses vergeures, mou et de mauvaise qualité ; quelques petits trous et fentes et quelques taches couleur de rouille. Traces d'approximativement 14 plis (et réglures ?) à des intervalles qui augmentent progressivement de gauche à droite (vue de dos) de 1 cm à 2,2 cm de large.

    Écrite des deux côtés, la feuille comporte en tout 25 lignes d'écriture ouïgoure de type ancien, très grosse et peu soignée. Beaucoup de lettres tendent à se confondre dans certains cas, à savoir β avec Y sauf en finale, R, Y, et même w avec '/N, S avec x, x avec ", p avec K, etc., d'autant que les formes sont tantôt très noires et épaisses, tantôt très pâles et effacées. Quant à l'orthographe, on peut noter une tendance sporadique à l'omission des voyelles Y et ', surtout devant NK : cf. es(ä)ngümüz, b(a)rča, ı̊d(ı̊)ŋ, m(e)n(i)ŋ, t(a)βar, et bil(i)ŋ, mais en revanche la graphie pleine, tout à fait inhabituelle, de T'NKRY = täŋri à la l. 19. Sont à remarquer en particulier, cependant, les graphies PYRKYM = bergim au lieu de bergüm, YWNTWRWNK = yöntürüŋ au lieu de öntürüŋ (cf. aussi YYR'X = yı̊raq au lieu de ı̊raq), et XM'L = Q(a)mal au lieu de Qamı̊l.

    Il s'agit d'une lettre complète avec l'adresse au dos, qui semble avoir été repliée pour expédition. Elle est adressée à un certain Qar Ärdäm ı̊nal, qui se trouvait apparemment à Qamal/Qamı̊l (Hami), par un certain Taŋquš Ärdäm ögä, qui, lui, devait se trouver, par conséquent, à Cha-tcheou (Touen-houang). Après avoir salué Qar Ärdäm ı̊nal assez longuement, dans des termes particulièrement respectueux, Taŋquš lui annonce qu'il a reçu sa lettre. Suit un texte à la troisième personne et au plus-que-parfait, dont l'interprétation est difficile, au sujet de biens dûs par Taŋ à une tierce personne, qu'il avait déposés chez Qar. Également mêlé à cette affaire est un certain Täŋri Qulı̊, peut-être celui auquel Taŋ (Quš) devait les biens, qui arrive justement de chez Qar. Or, dans sa lettre Qar dit que Täŋri Qulı̊ lui a pris trois ou quatre pièces de soie. Dans sa réponse, Taŋquš répète avec insistance que ce n'est point lui qui aurait pris ces pièces de soie, mais bien Täŋri Qulı̊, comme si Qar voulait les lui compter.


    TEXTE

    Pelliot Ouïgour 4 recto

    1. YM' PYZYNK' "Y'XWLWX "XYRL'XWL//

    yemä biziŋä ayaγuluq aγı̊rlaγuluq

    2. T'K MYNK 'WYKM'K' TWYM'N "LX'M'X'

    täg miŋ ögmäkkä tümän alqamaqqa

    3. T'KYMLYK "Y'XL'X TWYZWN 'DKW "TY —

    tägimlig ayaγlaγ tόzün ädgü atı̊

    4. Q'(=Y)R 'RD'M 'YN'L XWTYNK' T'NKXWŠ 'RD'M

    qar ärdäm ı̊nal qutı̊ŋa taŋquš ärdäm

    5. 'WYK' "SNKWMWZ YYR'X YYRD'N 'WYKWŠ

    ögä esängümüz yı̊raq yerdän üküš

    6. KWYNKWL "YTY 'YDWR PYZ PYTYKD' N' 'WKWŠ

    köŋül ayı̊tı̊ ı̊dur biz bitigdä nä üküš

    7. S'β "YW 'YD'YN SYZT'N PYTYK K'LTY PWLTWM

    saβ ayu ı̊dayı̊n siztän bitig kälti bultum

    8. N' S'β 'RS'R PRC' 'YŠYDTYM 'WL PYRKYM

    nä saβ ersδr barča ešidtim ol bergim

    9. 'WYCWN TNKRY XWLY M'NK' XWLX'LY 'YD

    üčün täŋri qulı̊ maŋa qolγalı̊ ı̊d

    10. TYP TYM'DY 'RDY T'NK PYR 'YNC' TYDY 'RDY

    tep temädi erdi taŋ bir inčä tedi erdi

    11. Q'(=Y)RD' PYR PYRKYM XWDTYM 'RDY PYR 'DYND'

    qarda bir bergim qodtı̊m erdi bir adı̊nda

    12. TWTXW T'K 'R XR'P'Š "LXYL TYP TYDY 'RDY

    tutγu tδg är qarabaš alγı̊l tep tedi erdi

    Verso

    13. T'XY N'KW KRK'K PWLS'R SYZ YWNTWRWNK

    taqı̊ nägü kärgäk bolsar siz yöntürüŋ

    14. M'NK' PYTYK 'YDNK N'KW SYZYNK PYTYKD' MN

    maŋa bitig ı̊dı̊ŋ nägü siziŋ bitigdä men

    15. Y'N' Y'NTWRW 'YDX'Y M'N TYP TYMYŠ 'RDY Y'N'

    yenä yanturu ı̊dγay men tep temi? erdi yenä

    16. SYZYNK PYTYKD' 'YNC' PYTYMYŠ SYZ MNNK 'WYC

    siziŋ bitigdä inčä bitimiš siz meniŋ üč

    17. TWYRT TWRXW LWX YWNKL'X LYX Tβ'R "LYWQ

    tört torqu-luγ yoŋlaγ-lı̊γ taβar alyuq

    18. 'W(=')LTYP TNKRY XWLY "LMYŠ 'RS'R M'N Y'N'

    ol + tep täŋri qulı̊ almı̊š ersär men yenä

    19. N'LWK "LYR M'N T'NKRY XWLY SYZYNT'N S'βYNC

    nälük alı̊r men täŋri qulı̊ sizintän säβinč-

    20. LYK K'LYWK 'WL "NY PYRL' SYZ PYLYŠK'Y SYZ

    lig kälyük ol anı̊ birlä siz bilišgäy siz

    21. "YKY CYX'N L'ŠXW 'WL S(=X)'TYX D'XY 'WYC TWRXW

    ekki čı̊qan-lašγu ol satı̊γ-daqı̊ üč torqu

    22. "LM'DYM SYZ PYLNK

    almadı̊m siz biliŋ

    23. [...][...] KYM

    [...][...] kim

    24. [...]x(= ")' P(= K)YRZWN XM'LT'

    [...] qa berzün qamalta

    25. (en sens inverse :) x'(=Y)R [...] T'NK XWŠ PYTY ///

    qar [...] taŋ quš biti gimiz


    TRADUCTION

    Adonc, à Sa Grâce, Qar Ärdäm ı̊nal, au bon et gentil nom, respecté et digne de mille [[2]] louanges et de dix mille bénédictions, de même que méritant d'être respecté et honoré par nous, les salutations de nous Taŋquš Ärdäm ögä.

    [[6]] D'un lieu lointain nous envoyons (cette missive) en demandant beaucoup de vos nouvelles. Dans la lettre que j'envoie dire des nouvelles aussi nombreuses que possible !

    [[7]] Une lettre de vous est venue ; je l'ai trouvée. J'ai entendu toutes les nouvelles quelles qu'elles soient.

    [[9]] Pour les biens que j'avais à donner, Täŋri Qulı̊ ne m'avait pas dit : « Envoie pour les demander ». Taŋ avait dit premièrement comme suit : « J'avais déposé chez Qar un bien que [[12]] j'avais à donner. » D'autre part il avait dit : « Comme son gage prends un esclave mâle ».

    Verso

    De plus, il avait dit : « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, mettez (quelqu'un) en chemin, [[14]] envoyez-moi une lettre, (et) quel que soit dans votre lettre, je l'enverrai de même en retour ».

    Puis, dans votre lettre, vous avez écrit comme suit, en disant : « Il a pris de mes [[17]] marchandises pour utilisation trois ou quatre pièces de soie. » (Or,) si Täŋri Qulı̊ les a prises, moi, pourquoi les prendrais-je aussi ? Täŋri Qulı̊ est venu content de chez vous. Vous ferez [[21]] connaissance avec lui — (?) à vous traiter comme deux cousins. Je n'ai pas pris les trois pièces de soie qui sont dans cette vente-là, sachez-le.

    [[23]] qui (?)

    [[25]] Lettre de nous, Taŋ Quš.

    [[24]] Qu'on la donne à Qar à Qamal.


    COMMENTAIRE

    28.2 miŋ ögmäkkä tümän alqamaqqa tägimlig est une expression qui figure également dans 5.7'.

    28.4 Q'(=Y)R, qui figure encore à la l. 11 et à la dernière ligne au verso, peut représenter presque aussi bien Qı̊r que Qar. Il semble que le même nom Qar ou Qı̊r figure également dans le 20.3 et. 15.

    28.4 T'NKXWŠ et T'NK xwš à la l. 25 représentent un nom de personne Taŋ Quš, qui doit signifier « oiseau de l'aube ». Le nom figure également dans le glossaire turc-arabe de l'an 1343 édité par M. Th. Houtsma, p. 30.6 (cf. M. Th. Houtsma, Ein türkisch-arabisches Glossar, nach der Leidener Handschrift, Leiden 1894 ; et EDPT, p. 510).

    28.6 ayı̊tı̊, gérondif d'ayı̊t-, se termine habituellement en -u, soit ayı̊tu.

    28.8 PYRKYM semble représenter bergim, variante de bergü-m, « ce que j'ai à donner, (marchandise) dont je suis redevable, chose due par moi, ma dette ». La même forme PYRKYM, bergim, figure dans un autre manuscrit de Touen-houang, le Pelliot Sogdien 28, aux ll. 2, 6, et 8, qui est une lettre en langue sogdienne mais renfermant de nombreuses expressions turques. Pour rendre compte du passage de bergü à bergi, on peut supposer une assimilation précoce de ü à e (cf. vergi en osmanli), ou bien encore la substitution de i à ü chez des personnes influencées par la prononciation du sogdien, langue dans laquelle la voyelle ü était rare. Voir par ailleurs la forme bergü-si dans un autre manuscrit ouïgour de Touen-houang, le Pelliot Chinois 3046 verso (= 34.11).

    28.9 Täŋri Qulı̊, « Esclave ou Serviteur de Dieu », est attesté comme nom de personne dans l'inscription en caractères runiformes de Gurbalǰin en Mongolie (cf. ETY, II, p. 163, et Louis Bazin, « La littérature épigraphique turque ancienne », in PhTFundamenta II, p. 205), ainsi que chez Kā?γarī (I, p. 475.3).

    28.10 T'NK semble correspondre au Taŋ de Taŋ Quš, nom de l'auteur de la lettre, qui parlerait ici à la troisième personne. Peut-être faut-il comprendre que dans ce passage un scribe rapporte directement ce que l'expéditeur de la lettre, Taŋ Quš, lui raconte à propos des faits antérieurs de l'affaire en question. De toute manière, je crois comprendre que Taŋ Quš aurait laissé en dépôt chez Qar quelques marchandises ou autres objets de valeur qu'il devait à une troisième personne, vraisemblablement Täŋri Qulı̊, à qui il aurait proposé de prendre en gage un esclave. Peut-être le bergim ou objets de valeur dûs par Taŋ Quš (à Täŋri Qulı̊ ?) et laissés en dépôt chez Qar correspondent-ils à des marchandises de soie telles que, dans la suite de la lettre, Täŋri Qulı̊ a prises chez Qar (en faisant croire que Taŋ Quš l'avait envoyé pour chercher son dû ?). Sans connaître davantage du contexte de cette lettre, il m'est évidemment difficile d'être très sûr de mon interprétation.

    28.13 YWNTWRWNK est probablement pour yöntürüŋ, impératif d'un verbe yöntür-, qui serait la variante yodisée de öntür-, « faire partir, faire avancer, faire lever, mettre en route », factitif de ön-, « avancer, sortir, se lever, procéder de » (cf. J. Hamilton, Conte bouddhique, p. 107 ; EDPT, p. 181). La variante yön- de ce verbe ön- est attestée dans un manuscrit en caractères runiformes édité par V. Thomsen, « Ein Blatt in türkischer Runenschrift aus Turfan », SPAW, 1910, XV, p. 302-303, ll. 16 et 22.

    28.21 ekki čı̊qan-lašγu apparaît comme une expression inédite au sens de « pour, en vue de, à (vous) traiter mutuellement comme deux cousins (čı̊qan = fils de la sœur de la mère) », qui doit vraisemblablement ajouter une précision à la phrase « vous ferez connaissance avec lui ». Cependant, telle qu'elle est, l'expression ne me paraît pas pouvoir constituer une phrase autonome, et, par conséquent, il doit lui manquer un élément essentiel.

    28.23 KYM, soit kim, « qui », apparaît comme un mot isolé, hors contexte.

    28.25 T'NK QWŠ PYTY /// est vraisemblablement à rétablir en Taŋ Quš bitigimiz. En effet, dans les adresses trouvées à la fin des autres lettres ouïgoures de Touen-houang, le nom de l'expéditeur, lorsqu'il est donné, est habituellement suivi du mot bitigimiz, « notre lettre », et, d'autre part, précède celui du destinataire.

    28.25 (en sens inverse) x'(=Y)R semble représenter Qar ou Qı̊r, le nom du destinataire. De l'inscription « Taŋ Quš bitigimiz » sur un côté du dernier pli de la lettre repliée en bande étroite et encore pliée en deux, on passerait à « Qar » sur l'autre côté du dernier pli, pour suivre ensuite directement en-dessous sur la face interne de la bande pliée en deux, correspondant à l'avant-dernier pli, c.-à-d. à la l. 24.

    28.24 x(=")' P(=K)Y(=')RZW(=T)N XM'LT' est probablement pour [Qar-]qa berzün qamalta, « qu'on donne (notre lettre) à (Qar) à Qamal », bien que certaines traces d'écriture soient difficiles d'interpréter dans ce sens. Malgré l'ordre inhabituel après le verbe, Qamalta, « à Qamal (ou Qamı̊l) », doit indiquer le lieu du destinataire de la lettre, et non celui de l'expéditeur, étant donné que seul le lieu du destinataire est mentionné dans les autres adresses des lettres ouïgoures de Touen-houang. Peut-être faudrait-il en déduire que notre lettre, bien qu'ayant été repliée, ne fut jamais expédiée, puisqu'elle a été trouvée à Cha-tcheou (= Touen-houang) et non à Qamı̊l (= Hami).

    Custodial History:

    Paul Pelliot (1878-1945)


    Rapporté par la mission Pelliot de 1906-1908. Entré à la BN en 1910.


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