Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Pelliot ouigour 2
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- Gallica (Bibliothèque nationale de France)
- Library
- Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits
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- Pelliot ouigour 2
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- Uighur
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- Paul Pelliot (1878-1945)
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- Pelliot, Paul (1878-1945)
- Paul Pelliot (1878-1945)
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- Paul Pelliot
- P. Pelliot
- Paul Pelliot.
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- Description
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Contents:
Le Pelliot Ouïgour 2 consiste en une feuille de 37 cm de large sur 28 cm de long en moyenne, la feuille étant coupée en biais au début et déchirée à la fin. Papier de couleur bis, à vergeures, assez épais et grossier, laissant apparaître nettement des fils et des fibres. Quelques fentes et échancrures, ainsi qu'une dizaine de petites taches de couleur orange foncé.
Au milieu du dos de la feuille figure seul le titre Ta tch'eng t'ong sing king 大乘同性經, sūtra qui aurait été traduit en 570 à Tch'ang-ngan.
Au recto il y a douze lignes d'écriture ouïgoure de type plutôt ancien, assez grosse et nette, sans être bien régulière ou particulièrement soignée. Les lettres '/N et R, Y et β, s et ? se confondent en général, bien qu'à la l. 8 deux points souscrits marquent un š, comme d'ailleurs ils marquent tous les z. Comme particularité orthographique, on doit signaler surtout l'omission, dans six cas sur sept, de N devant K dans la notation de la nasale gutturale ŋ (cf. mon article « Nasales instables en turc khotanais du Xe s. », p. 508). On peut noter également la façon parfois inhabituelle de couper un mot (cf. ini-sin, tilä-dümüz, oγlı̊-ŋa) ou, au contraire, de rassembler deux mots (cf. qu + tiräk, el + tiräk), ainsi que la forme à métathèse yalrı̊γı̊ et l'emploi du datif -kä à la classe antérieure après tayagu.
Le texte représente une pièce de caractère juridique, rédigée à Khotan probablement vers la fin de 948 ou peu après, par un personnage anonyme, probablement un haut fonctionnaire, au sujet du partage des biens d'un caravanier nommé Oγ?aγu, dιcédé à Khotan dix ans auparavant. Le haut personnage, auteur du document, qui fut probablement envoyé à qui de droit à Cha-tcheou, est intervenu pour rechercher ces biens à la suite de l'ordre d'un chambellan.
TEXTEPelliot Ouïgour 2 recto
1. 'YT YYLYN YYTYNC "Y D' YYTY YKRMY
ı̊t yı̊lı̊n yettinč ay-da yetti yegirmi-
2. D' 'W XŠXW "TLYX S'RT K'LTY 'YRDY MWNT'
dä oγšaγu atlı̊γ sart kälti erdi munta
3. 'WDWNT' 'WYLTY 'YNY SYN "LTWN "TLYX 'WXWL
odonta ölti ini-sin altun atlı̊γ oγul
4. Tβ'R "LYP "βYK' P'RDY TW PYCYN YYLYN
taβar alı̊p äβigä bardı̊ to bečin yı̊lı̊n
5. TWNCWR "YYN CW T'K K'LTY T'Y'KW Y'LRYXY
tončor ayı̊n ču täk kälti tayagu yalrı̊γı̊
6. K'LTWRDY Tβ'R MYNYK 'YRDY 'WL Tβ'R 'YST'K L'R TYP
kältürdi taβar menig erdi ol taβar istδg-lär tep
7. MWNT' TYL' DWMW Z̤ 'YST'DWMW Z̤ QWTYR'K "C'RY
munta tilä-dümüz istädümüz qu + tiräk ačarı̊
8. 'YLTYR'K PYRL' 'YNC' TYDY L'R CW X'YŠ̤YN
el + tiräk birlä inčä tedi-lär ču xayšı̊n
9. PYR T'K YP'R Y'R(= N)T'Š 'WXLY NK' 'YLYTY PYR T'K
bir täk yı̊par yartaš oγlı̊-ŋa elitti bir täk
10. YP'R 'WXŠ'XW 'WXLYK' 'YLYRY YKRMY Z̤ TYR YP'R
yı̊par oγ?aγu oγlı̊ga elitti yegirmi zatı̊r yı̊par
11. XWTLWX 'RSL'N 'YLTYR'K "LTY PYR PYŠYX TWRX/
qutluγ arslan el + tirδk altI̊ bir bı̊šı̊γ torq u
12. T'Y'KW K' 'RTWT KWTWRDY 'WYC ////////////
tayagu-kä ärtüt kötürdi üč . . . . . . . . . . . .
TRADUCTIONL'année du Chien, dans la septième lune, au dix-sept, le caravanier du nom d'Oγ?aγu [[2]] était venu. Il mourut ici à Odon (Khotan). Son frère cadet, l'oγul du nom d'Altun, a pris les marchandises et les a emportées chez lui. L'année to du Singe, au mois de Tončor (Ttāṃjāra), [[5]] Ču est venu seul. Il a apporté l'ordre du chambellan, disant « les marchandises étaient ŕ moi, recherchez ces marchandises-là ». Sur ce, nous les avons réclamées et nous les avons recherchées. [[7]] Qu-tiräk ācārya avec El-tiräk ont dit comme suit : « Ču Xayšı̊n a porté un seul musc au fils de Yartaš, et il a porté un seul musc au fils de Oγ?aγu. Vingt onces de musc (ont ιté) prises [[11]] (par) Qutluγ Arslan El-tirδk. Une pièce de soie cuite a (été) offerte en cadeau au chambellan. Trois... ».
COMMENTAIRE18.3 'WDWN, Odon, est le nom ancien de Khotan chez les Turcs et les Mongols. Cf. P. Pelliot, Notes on Marco Polo, I, pp. 411 seq.
18.3 ini-sin, « son frère cadet », avec une terminaison -n, est peut-être, sinon une faute d'écriture, une expression au cas instrumental voulant dire « par ou par l'intermédiaire de son frère cadet on a pris les marchandises ».
18.3 oγul est ici le titre, probablement au sens de « fils de prince, jeune noble », qu'on retrouve dans d'autres manuscrits ouïgours des environs du Xe siècle : cf. notamment Haneda Tōru, « À propos d'un texte fragmentaire de prière manichéenne en ouïgour provenant de Tourfan », pp. 89-90, l. 2, dans la version française, et pp. 327 et 330, l. 2, dans la version japonaise, Recueil des Œuvres Posthumes de Tôru Haneda, II, Kyôto 1958 ; et F. W. K. Müller, Zwei Pfahlinschriften, p. 23, l. 13. Sur l'emploi de ce titre à des époques plus récentes, cf. TMEN, II, p. 81, n° 502.
18.4 TW, soit to ou tu, s'il ne s'agit pas d'une graphie superfétatoire, pourrait représenter le chinois t'ou 土 (M *thou), « terre », un des cinq éléments, qui se combinent avec les douze animaux pour former un cycle de soixante. Dans ce cycle, la combinaison Terre-Singe correspond au numéro 45, soit à l'année 948, si, comme il paraît très probable, notre manuscrit date du Xe plutôt que du IXe siècle. Il en résulte que l'année du Chien au cours de laquelle le caravanier Oγ?aγu arriva à Khotan devait être celle de 938. Sur les dates de ce manuscrit, voir Louis Bazin, Les Calendriers turcs anciens et médiévaux, pp. 298-302.
18.5 TWNCWR, soit tončor, est une transcription du nom du mois khotanais ttāṃjāra ou ttuṃjāra, sur lequel voir H. W. Bailey, BSOS, VIII, p. 930 ; AM, I, p. 39 ; et KT, IV, p. 11.
18.5 cw, soit čo ou ču, est probablement pour Tcheou 周 ou Tchou 朱, noms de famille chinois fréquents. Voir aussi le prénom Xayšı̊n à la l. 8.
18.5 täk kälti voudrait dire, d'après Kā?γarī (I, p. 334.1), qu'on est venu simplement, « sans but précis », mais une telle interprétation est en contradiction avec la suite du texte indiquant que Ču portait un ordre du chambellan. En revanche, je me demande si täk, au lieu de signifier « seul », n'a pas ici plutôt le sens de « seulement » : « Ču est venu seulement en l'année du Singe », c.-à-d. dix ans après la mort d'Oγ?aγu. Sur ce dernier sens, cf. Tarama Sözlüǧü, II, p. 1060.
18.5 T'Y'KW, ici et à la l. 12, pourrait se lire à la classe antérieure, d'autant plus que la leçon de la l. 12 est suivie du datif en -K', -kä. Cependant, la forme devrait être de la classe postérieure si elle dérive effectivement, comme l'indique Kā?γarī (III, p. 380) avec vraisemblance, du verbe tayan-, « s'appuyer ».
18.5 Y'LRYXY, soit yalrı̊γı̊, représente sans doute une métathèse de yarlı̊γı̊, « son ordre », au cas absolu.
18.7 QWTYR'K pourrait être une graphie simplifiée de Qut-tiräk.
18.8 el tiräk, titre signifiant « pilier de l'État », est vraisemblablement calqué sur le titre chinois tchou-kouo 柱國, « pilier de l'État », employé très anciennement en Chine et attesté encore en 974 à Touen-houang (cf. Robert des Rotours, Traité des Fonctionnaires et Traité de l'Armée, pp. XXIX et 51 ; et mon ouvrage Les Ouïghours à l'époque des Cinq Dynasties..., pp. 56 et 157).
18.8 X'YŠYN, soit Xayšı̊n ou Qayšı̊n, a l'air d'un prénom chinois, qui pourrait être composé d'un K'ai 開, Kiai 戒, K'ouai 快, Hai 海, ou Houai 懷, et d'un Chen 申, 身, etc.
18.9 Y'R(= N)T'š peut se lire Yartaš, Yärtäš, Yantaš, ou Yäntäš. Sans doute pourrait-on même y voir une variante du terme yerdäš/yärdäš, « compatriote » (cf. EDPT, p. 959).
18.10 Z̤TYR, soit zatı̊r, est généralement écrit avec s initial. Sur ce terme, au sens de « once, pièce de monnaie », emprunté au sogdien st'yr, « statère », voir F. W. K. Müller, « Uigurische Glossen », Festschrift Hirth, OZ, VIII (1920), pp. 319-21 ; L. Ligeti, « Un vocabulaire sino-ouïgoure des Ming », AO (Hung.), XIX, p. 195 ; ainsi que É. Benveniste, Textes Sogdiens, p. 271.
Custodial History:
Paul Pelliot (1878-1945)
Rapporté par la mission Pelliot de 1906-1908. Entré à la BN en 1910.
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