Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Pelliot ouigour 3

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Source
Gallica (Bibliothèque nationale de France)
Library
Paris. Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits
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  • Pelliot ouigour 3
Biblissima authority file
Language
  • Uighur
Agent
Description
  • Contents:

    Le Pelliot Ouïgour 3 est écrit sur une feuille aux bords à peu près droits, mesurant 29,2 sur 21,8 cm. Papier épais, à vergeures, de couleur beige, en assez bon état ; quelques taches d'encre, qui traversent la feuille par endroits, et quelques taches ocre. 11 plis courent dans le sens de la longueur de la feuille à des intervalles qui augmentent progressivement de gauche à droite (vue de dos) de 1,5 à 2 cm de large, et ces 11 plis sont coupés au milieu par un pli médian dans le sens de la largeur.

    La feuille comporte au recto 12 lignes et au verso 10 lignes d'écriture ouïgoure de type ancien, de format moyen, assez irrégulière et négligée avec plusieurs ratures, des taches, et des formes empâtées. Les lettres s et š, et parfois même s et x, se confondent, de même que R et '/N à l'intérieur d'un mot, et parfois R et Y en finale, tandis que w empâté ou plein peut se confondre dans certains cas avec R. L'orthographe, normale dans l'ensemble, ne présente pas de particularité notable.

    Il s'agit d'une lettre complète avec l'adresse au dos, repliée pour expédition et reçue à Cha-tcheou (Touen-houang). En effet, elle est adressée à un certain Tüz yegän saŋun à Cha-tcheou, ainsi qu'à Sanmı̊š Tüzün, par Mäŋi Silig, Küč Tüzün, et Qutluγ Tόzün d'un lieu qui n'est pas nommé. Il m'a semblé que le « général » Tüz yegän (« fils de la sœur ») pourrait être le neveu de Mäŋi Silig, dont les trois Tüzün seraient les fils. Pour commencer, Qutluγ Tόzün fait remarquer aux destinataires de la lettre que, l'ayant déposé chez son čäči (« frère aîné » = Küč Tüzün, ou « père, grand-père » = Mäŋi Silig ?), ils n'ont pas eu le moindre mot pour ce dernier. Ensuite, Küč Tüzün énumčre les différents cadeaux de sacs de raisins secs, d'abricots, et de jujubes qu'il destine au Général, à Sanmı̊š Tüzün, et à Yegän Bars, ce dernier étant vraisemblablement le fils aîné de Tüz yegän saŋun, dont les autres fils seraient mentionnés sous les noms de Qutluγ Bars et de It Bars. La lettre et les cadeaux sont expιdiés par caravane et confiés à La totoq.

    Au verso se trouve un message de Qutluγ Tόzün pour le Général, mentionnant tout d'abord une lettre envoyée par ce dernier aux mains de Qutadmı̊š yegän. Ensuite, dans les cinq ou six dernières lignes de la lettre, une personne dont l'identité n'est pas précisée raconte à la première personne des faits relatifs à une lutte armée entre lui-même et un groupe inconnu pour pouvoir cultiver des champs. On voit mal le rapport qui a dû exister entre cette affaire de luttes autour de champs cultivables et le reste de la lettre.


    TEXTE

    Pelliot Ouïgour 3 recto

    1. M'NKY SYLYK KWYC TWYZWN XWTLWX TWYZWN 'S'NKW PYTYKYMZ

    mäŋi silig küč tüzün qutluγ tόzün esängü bitigimiz

    S'NMYŠ TWYZWNK'

    2. TWYZ YK'N S'NKWN + Q' 'YR'X YYRDYN Y'XWX KWYNKWLYN 'YSYNW 'MR'NW

    tüz yegän saŋun-qa sanmı̊š tüzünkä ı̊raq yerdin yaγuq kφŋülin isinü amranu

    3. 'S'NKWL'YW 'WYKWŠ 'WYKWŠ KWYNKWL "YTW 'YDWR PYZ N'T'K 'RWR

    esängüläyü üküš üküš köŋül ayı̊tu ı̊dur biz nätäg erür

    4. SYZ PYZ YM' MWNT' 'DKW 'S'N 'RWR 'MTY PYTYKD' N' 'WYKWŠ

    siz biz yemä munta ädgü esän erür amtı̊ bitigdä nä üküš

    5. S'β "YW 'YD'YN — XWTLWX TWYZWN T'XY PYR S'βYM MYNY C'CYM

    saβ ayu ı̊dayı̊n qutluγ tόzün taqı̊ bir saβı̊m meni čäčim

    6. PYR L' XWDWP YN' C'CYMK' PYR "XZ S'βYNKYZ YWX ǀ KWYC TWYZWN

    birlä qodup yenä čäčimkä bir aγı̊z saβı̊ŋı̊z yoq küč tüzün

    7. S'NKWNX' P'L'KYMZ PYR X'P XWRWX 'WYZWM S'NMYŠ TWYZWNK'

    saŋunqa beläkimiz bir qap quruγ όzüm sanmı̊š tüzünkä

    8. P'L'KYMZ PYR 'RWK XWTLWX YK'N P'RS X' XWTLWX P'RS X'

    beläkimiz bir ärük qutluγ yegän bars-qa qutluγ bars-qa

    9. . . . . . . . . . M'NKWK' 'WYKWŠ "YTW 'YDWR PYZ XWLWTY 'YTP'RS YM'

    . . . . . . . . . mäŋgükä üküš ayı̊tu ı̊dur biz qulutı̊ it + bars yemä

    10. KWYNKWL "YTW T'KYNWR M'N KWYC TWYZWN Y YK'N P'RS X' P'L'KYM

    köŋül ayı̊tu täginür men küč tüzün y yegän bars-qa beläkim

    11. PYR X'P CWPWX'N 'RXYŠ T'βR'X P'RYR 'WYCWN "NYN PYTYK

    bir qap čubuqan arqı̊š taβraq barı̊r üčün anı̊n bitig

    12. 'YDTYMZ P'L'K L' TWTWXD' 'WL

    ı̊dtı̊mı̊z beläk la totoqda ol

    Verso

    13. XWT'YMYS

    qutaymı̊š

    14. XWTLWX TWYZWN S'NKWN X' T'XY PYR S'βYM XWT'DMYŠ YK'N

    qutluγ tόzün saŋun-qa taqı̊ bir saβı̊m qutadmı̊š yegän

    15. 'YLKYNT' YM' PYTYK 'YDMYŠ SYZ SYKW 'WYZ'KY YYR Y(=K)K(= ')

    elgintä yemä bitig ı̊dmı̊š siz sekü üzäki yer-ig

    16. YM' T'RYX T'RYX'LY QYLYC . . . . '(=Y)'TY L'R MN 'YDM'DM MN SW

    yemä tarı̊γ tarı̊γalı̊ qı̊lı̊č . . . . attı̊-lar men ı̊dmadı̊m men sü

    17. SYDYM 'YTYK KWYC'P MN T'RYYWR MN TYYWR MN SW 'YDM'SR

    sı̊dı̊m etig küčäp men tarı̊yur men teyür men sü ı̊dmasar

    18. MN T'XY KWYC'P T'RYS'R T'RYWR 'RKY 'WL 'WN ŠYX XWN'X X . .

    men taqı̊ küčäp tarı̊sar tarı̊yur ärki ol on šı̊q qonaq x . .

    19. P'RC' 'YTK 'βYNT' 'YLTMYŠ "CRYX' 'YLTM'MYŠ Y'XRW

    barča etig äβintä eltmiš ačrı̊qqa eltmämiš yaγru-

    20. D'XY 'WT YM' 'LYP KLWRMYŠ 'βYNT' 'YLTMYŠ

    daqı̊ ot yemä alı̊p kälürmiš äβintä eltmiš

    (Écrit en sens inverse) (Écrit en sens normal)

    21. Š'CYW D' TWYZ YK'N PYRZWN

    šačyu-da tüz yegän berzün

    22. S'NKWN Q'

    saŋun-qa


    TRADUCTION

    Notre lettre de vœux de salut de la part de Mäŋi Silig, Küč Tüzün, et Qutluγ Tόzün, [[2]] à Tüz yegän saŋun et à Sanmı̊š Tüzün.

    D'un lieu lointain (mais) avec un cœur proche, nous envoyons (cette lettre) en deman-[[3]] dant beaucoup, beaucoup de vos nouvelles, et en exprimant nos vœux de salut avec des sentiments chaleureux et affectueux. Comment allez-vous ? Quant à nous, ici nous sommes [[4]] bien et en bonne santé. Maintenant, dans cette lettre que j'envoie dire le plus possible de nouvelles !

    [[5]] Encore un mot de moi, Qutluγ Tόzün : Vous me laissez avec mon čäči, et puis pour mon čäči vous n'avez pas une bouchée de paroles (= pas un mot de votre bouche).

    [[7]] De la part de Küč Tüzün, notre cadeau pour le saŋun (Général) est un sac de raisins secs, et notre cadeau pour Sanmı̊š Tüzün est un [sac ? ] d'abricots.

    [[8]] À Qutluγ Yegän Bars, à Qutluγ Bars, et à Mäŋgü nous envoyons (cette lettre) en demandant beaucoup (de leurs nouvelles). Quant à leur serviteur It Bars, moi aussi, je me [[10]] permets de demander des nouvelles. Le cadeau de moi, Küč Tüzün, ŕ Yegän Bars est un sac de jujubes.

    [[11]] Parce qu'une caravane va rapidement, nous avons, par conséquent, envoyé cette lettre. Les paquets sont chez La totoq.

    Verso

    [[13]] Qutaymı̊š

    Encore un mot de moi, Qutluγ Tόzün, pour le saŋun (Général) : Vous avez envoyé une [[15]] lettre aussi aux mains de Qutadmı̊š yegän.

    De plus, afin de cultiver la terre qui est sur la terrasse, ils ont attaqué au sabre. Je ne (les) [[16]] ai pas laissés faire ; j'ai brisé (leur) armée. Prenant l'outillage par la force, je cultive, moi. Je dis : s'ils n'envoient pas d'armée et si moi, de plus, je cultive en employant la force, n'est-ce [[18]] pas qu'on cultive ? Il a porté de sa maison les dix šı̊q de millet et tout l'outillage. De même, le foin des alentours qu'on n'avait pas transporté dans l'enceinte, il l'a pris et apporté, il l'a [[20]] porté depuis sa maison.

    21 Qu'on la donne

    à Tüz yegän saŋun

    22 à Cha-tcheou.


    COMMENTAIRE

    29.1-2 Küč Tüzün, Qutluγ Tόzün, auteurs de la lettre, et Sanmı̊š Tüzün, destinataire, étaient peut-être des frères, étant donné que le second élément de leurs noms, Tüzün, est commun à tous les trois. Mäŋi Silig était vraisemblablement d'une génération antérieure puisque son nom figure à la place d'honneur en tête de la liste. Comme, d'autre part, il ne s'est pas exprimé nommément dans la lettre, peut-être est-il à identifier avec le čäči, « frère aîné, père, ou grand-père », de Qutluγ Tόzün des ll. 5-6 (cf. la note), qui devait bouder, fâché qu'il était de n'avoir pas été salué par les destinataires. Quant au principal destinataire, Tüz yegän saŋun, « le Général Tüz, neveu ou petit-fils (= le fils d'une sœur ou d'une fille) », il a pu être le fils de la sœur de Mäŋi Silig, qui aurait été, par conséquent, son taγay, « oncle maternel », personnage dont la position dans le clan était très importante. Qutadmı̊š yegän, qui est mentionné à la l. 14 comme porteur d'une lettre de Tüz yegän, a pu être le frère de celui-ci. Voir aussi la n. 29.8-9.

    29.5-6 Čäčim est peut-être une forme hypocoristique de äčim, « mon äči ou eči, frère aîné », soit encore de äčüm ou äčäm, « mon äčü ou äčä grand-père » (cf. EDPT, p. 20). Voir, par exemple, les formes çece, çeçe, et çecey dans des dialectes d'Anatolie aux sens de « frère aîné », « père », et « grand-père » (cf. DerSöz, III, p. 1102).

    29.8 ärük est un fruit à noyau du type de l'abricot, de la prune, ou de la pêche. Cf. L. Ligeti, « Un vocabulaire sino-ouïgour des Ming », AOH, t. XIX, 1966, p. 135 ; et EDPT, p. 222.

    29.8-9 Yegän Bars, Qutluγ Bars, et It Bars ιtaient vraisemblablement trois frères, fils du général Tüz yegän et petits-neveux de Mäŋi Silig. Yegän Bars, l'aîné, aurait hérité du titre de parenté de son père, yegän, « fils de la sœur », nom rappelant le lien qui l'attachait à son grand-oncle. Voir la n. 29.1-2.

    29.9 qulutı̊, « son serviteur » ou « leur serviteur », est une formule très humble employée surtout pour désigner soi-même dans des lettres adressées à des supérieurs ou dans des colophons d'œuvres bouddhiques. Voir notamment S. Tezcan, BT III, p. 66, n. 700. L'utilisation presque constante avec qulut du suffixe de la troisième personne du possessif, -ı̊, « son, leur » serviteur, peut paraître étrange dans certains contextes. Le mot qulut semble être formé à partir de qul, « serviteur, esclave », au moyen du suffixe nominal dénominatif -°t, généralement considéré comme une marque du pluriel (cf. AG, § 65). Dans cette lettre écrite apparemment entre membres d'une famille, on peut trouver insolite le ton solennel de la phrase qulutı̊ It Bars yemä köŋül ayı̊tu täginür men, « quant à leur serviteur It Bars, je me permets, moi aussi, de m'enquérir de (votre) santé ». It Bars devait être, selon toute vraisemblance, un fils cadet de Tüz yegän, qui demeurerait chez Mäŋi Silig, son grand-oncle maternel.

    29.11 čubuqan (čubaqan, čobuγan, čı̊bı̊qan, etc.) est « jujube » : cf. L. Ligeti, « Un vocabulaire sino-ouïgour des Ming », AOH, t. XIX, p. 153 ; et EDPT, p. 396.

    29.12 La totoq figure également dans le S. 3853 v° : cf. la n. 13.1.

    29.14 Qutadmı̊š yegän serait peut-être le frère de Tüz yegän. Cf. la n. 29.1-2.

    29.15 SYKW doit représenter sekü, variante de säkü, « banc, estrade, plate-forme, terrasse ». Sur ce terme voir EDPT, p. 819 ; TMEN, III, n° 1258 ; et DerSöz, X, p. 3568, qui indique pour sekü/seki les sens de « hauteur ou terrasse naturelle, terrasse sur le flanc d'une montagne, champs en terrasses » dans divers dialectes anatoliens.

    29.16 qı̊lı̊č attı̊lar : voir l'expression qı̊lı̊č atmaq, « to use the sword vigorously, to slaughter indiscriminately », chez Redhouse, A Turkish and English Lexicon, p. 23.

    29.17 'YTYK doit être pour etig, qui peut signifier non seulement « ornement » mais aussi « équipement, instrument, outil ». Cf. notamment BioHts, l. 132, où etig, « instrument pour mesurer le temps », correspond au chinois k'i 器, « instrument, outil ».

    29.18 tarı̊yur ärki ol : Il ne me paraît pas clairement pourquoi tarı̊yur ärki semble marquer un changement de la première à la troisième personne. Quant à ol, me semble-t-il, plutôt que pronom personnel, il doit jouer le rôle d'adjectif démonstratif devant on šı̊q qonaq, Dans la suite du texte, à la troisième personne, le sujet n'est pas exprimé, mais il s'agirait peut-être des mêmes inconnus qui, à la l. 16, « attaquèrent au sabre ».

    29.19 "CRYX' semble devoir représenter ačrı̊q-qa, c.-à-d. à l'ačrı̊q, « enceinte à foin ». En effet, il y avait un mot ačrı̊γ ou ačı̊rı̊q, attesté en čagatay, signifiant « pré » et « enceinte faite d'herbes sčches et de bois » : cf. Radloff, Wb, I, 510 et 514 ; P. de C., Dict., p. 6 ; G. Doerfer, TMEN, II, n° 424, et Türkische Lehnwörter im Tadschikischen, p. 12 ; de même que A. K. Borovkov, Bada'i al-Lugat (Moscou 1961), p. 39. D'après le contexte, il s'agirait ici d'une enceinte à foin ou fenil, plutôt que d'un pré.

    Custodial History:

    Paul Pelliot (1878-1945)


    Rapporté par la mission Pelliot de 1906-1908. Entré à la BN en 1910.


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